du 30 janvier au 13 février 2010. |
|
Samedi 30 janvier
Arrivée au milieu de la nuit. C'est le seul avion sur le tarmak à cette heure. Il fait bon heureusement, car il nous faudra plus d'une heure pour pénétrer dans le bâtiment de l'aéroport. Il faut remplir des papiers, attendre ensuite qu'on nous appelle, agence après agence, mais les réacteurs de l'avion tournent toujours donc on n'entend rien. Ensuite une fois dans l'aérogare, il faut remplir un deuxième papier, passer devant la camera thermique avant de passer enfin le contrôle des passeports. Après tout ça, les bagages qui ne savent pas écrire donc n'ont rien à remplir nous attendent.
Dimanche
1h du matin. Accueil chez le patron de l'agence, un gigantesque couscous est servi en guise de bienvenue. Il est deux heures du matin quand nous nous couchons enfin. Première nuit dans le sud et en Algérie.
Premier jour à Tam, je suis réveillée à l'aube, au chant du muezzin. Nous prenons le petit déjeuner dans la pièce principale: tapis, coussins, table basse et volets fermés pour garder la fraîcheur, puis chargement des 4x4 et direction Tamanrasset centre pour acheter les chèches et quelques amandes, fruits secs.
Tam, c'est devenue une grande ville (100 000 habitants parait-il), mais ça doit être assez étendu car on n'a pas l'impression d'être en ville, difficile d'y trouver un centre. Grand espace vide pour le marché, ce n'est pas le bon jour, ronds points décorés de sculpture style gazelles, et larges avenues. Peu de circulation ce dimanche matin.
Puis c'est le grand départ pour deux semaines de désert. Quelques kilomètres de route goudronnée, et juste avant l'aéroport, nous tournons à droite sur la piste de Tagmart pour nous rendre à Tissalatine. Beaucoup de sacs plastiques accrochés dans les buissons. On se croirait aux abords d'un supermarché dans les périphéries des villes chez nous, mais sans le supermarché, ça me rappelle aussi la piste cyclable qui longe la francilienne donc pas trop dépaysée. Puis enfin on quitte la « civilisation ».
Après avoir traversé Tagmart, petite oasis de verdure avec son point d'eau et ses potagers, nous voici au milieu de plateaux recouverts de cailloux, plutôt gris noirs. Nous découvrons Tissalatine. La végétation reste présente, de vieux acacias aux épines acérées surtout dans le bas pour dissuader les chameaux qui ont l'air de s'en moquer, quelques buissons piquants ou non. Nous nous arrêtons au pied du rhinocéros, à l'ombre d'un acacia. Juste au dessus, trois dômes de granit et les voies d'escalade.
Sans prendre le temps de manger, nous partons pour notre première voie : Deux cordées pour la Tortue. Elle se déroule sur le dôme de la tortue, bien sûr. L'approche est courte à peine 15 minutes. Première longueur, théoriquement en 4c+. En fait, sur 45m de dalle lisse, il n'y a que 4 points. Le rocher se délite. Les grosses écailles et le dièdre sonnent creux. Au dessus le rocher est plus compact, on s'habitue aussi et après la troisième longueur le rocher se couche, nous sortons à corde tendue. Pliage de corde et nous parcourons le sommet du dôme, assez vaste. Nous découvrons un paysage inhabituel, des blocs posés en équilibre sur les dômes, des dômes posés au milieu de sable jaune, des rochers, roses, gris, ...changeant de teinte avec le soleil de l'après midi et pas très loin, le premier piton volcanique comme je l'imaginais. La descente se fait sur une immense langue lisse tout en rocher gris.
Mais il faut retourner au bivouac. Je
suis en retard pour le déjeuner, petit repas à base de
crudités - je n'ai jamais mangé autant de légumes
que pendant ce voyage !
Le petit feu touareg est allumé
pour le premier thé, cuit sur le feu avec un peu d'eau puis
allongé et mélangé avec une grande dose de
sucre. Transvasements toujours en versant de très haut, ça
mousse. On en sert trois, en rallongeant en eau et en y rajoutant du
sucre, de la menthe fraîche ou de l'armoise entre deux et en
les versant toujours de très haut : le premier est amère,
"fort comme la mort"; le second est "doux comme
l'amour"; le troisième est "beau comme la vie".
Avec quelques variantes.
Il fait chaud, pas envie de me remuer, je suis en vacances. Je regarde les autres partir dans Rhinocéros et pars me promener avec Antoine au milieu des dômes, blocs, ...profiter de la lumière de cette fin d'après midi. Un dôme aux dalles peu inclinées nous attire. Mise à part la couleur, on croirait une pente de neige après rupture d'une grosse plaque ou un glacier1 avec cette carapace qui recouvre le dôme et forme de grandes crevasses. Le sommet est tout fissuré, activité volcanique et refroidissement de croûte. Coucher de soleil, les sommets rosissent et les copains sortent Rhinocéros.
Première soirée auprès du feu. Comme tous les soirs nos accompagnateurs nous ont installé des matelas autour d'une table basse, grand confort. Le diner est préparé par Barak. C' est délicieux : soupe au blé vert, ragoût aux légumes et dattes. Nous contemplons le lever de lune derrière les dômes, les étoiles en palissent de jalousie. Première nuit dans le sud algérien, il fait doux.
Lundi et jours suivants
Le lendemain réveil au soleil, le moula-moula, ce petit traquet noir et blanc du désert, chante. C'est l'oiseau du voyageur, annonceur d'oasis, analogue des oiseaux marins qui annoncent la terre aux marins. Nous partons faire la voie du Rhinocéros. C'est la seule voie dans laquelle nous ferons la queue. En effet nous ne sommes pas seuls sur le site, des norvégiens sont là. Quatre d'entre eux ont choisi la même voie que nous. Belle escalade : trois longueurs de dalle soutenues, fines, sur de petites réglettes. C'est vraiment mon style d'escalade préféré, mais manifestement pas celui des norvégiens qui de peur blanchissent le rocher de magnésie !
Dans l'après-midi, nous partons vers le plateau central du Hoggar, l'Atakor. La piste est peu roulante. Secoués dans le 4X4, nous profitons du paysage toujours aussi minéral, fausse monotonie rompue par quelques chameaux et palmiers quand nous traversons un oued. L'armoise recueillie par Fonduk sèche au soleil sous le pare-brise et parfume l'air. Arrêt au village de Barak pour faire le plein d'eau. L'Ilamane est déjà en vue, piton au sommet tout rond devant le Tahat, plus massif. Le Tahat c'est le point culminant de l'Ahagar (2 908 m). Enfin la montagne. Un peu au sud de l'Ilamane nous passons à côté d' une mosquée, simple enclos à ciel ouvert, lieu de recueillement pour les voyageurs.
La piste très tortueuse
monte vers l'Ilamane, on est bien chahutés. Nous apercevons de
magnifiques orgues volcaniques. Quelques petites fleurs survivent
nichées au creux des rochers, quelques tournesols jaunes, de
l'oseille sauvage à fleurs rouges, mais nous sommes vraiment
dans un désert de pierres. Nous campons au pied de la face W
de l’Ilamane haute de 4 à 500 mètres, torturée
de plissements de rocher fracturé. Nous choisissons
différentes voies pour le lendemain, mais dans la nuit le vent
se lève, les toiles de tente claquent. Au matin le vent frais
nous mettra presque tous d'accord, et après avoir testé
le rocher peu solide à l'attaque de la face Est pour certains,
secoués dans les rafales, nous nous retrouvons à six
sur l'arête SE plus abritée. Première voie
« montagne », pas de difficulté, une
escalade souvent aérienne avec vue sur le désert de
pierres et nous retrouvons le vent au sommet. Descente en rappel par
l'arête NNW dans l'ombre, glaciale, avant de retrouver Thomas
et Sylvie, vaincus par le froid sur cette arête. Retour au
campement au soleil, mais peu hospitalier.
Nous repartons le jour
même. La piste continue toujours aussi sinueuse et défoncée.
Les 4X4 montrent les dents et s'accrochent à la piste. Les
chauffeurs ménagent leur monture mécanique. Ne rien
casser car nous n'avons vu personne depuis que nous avons quitté
le village. Nous remontons et arrivons à l’Assekrem
l'endroit touristique du circuit. Un bref arrêt pou monter à
l’ermitage du père de Foucault et profiter de la vue
exceptionnelle, mais laissant les autres touristes attendre le
coucher de soleil, nous continuons vers le bivouac plus bas au pied
de la Sawinan pas loin desTizouyag. Coucher de soleil sur les
Tizouyag, probablement moins beau que depuis l'Assekrem, mais de
toute beauté quand même. Nuit étoilée, la
lune n'est plus pleine ce qui nous permet d'admirer le ciel nocturne
en début de nuit. Sam commente, Vega ,Orion...mais pour moi,
tout se mélange, c'est beau, que dire d'autre ? Premier
bivouac pour Paul, le cadre est magnifique pour cette première.
La majorité d'entre nous dormira encore sous la tente pour
être moins gênés par la lune qui se lève en
pleine nuit.
Aujourd'hui Mercredi, nous nous partageons les sommets. Deux cordées sur l'aiguille Sawinan au pied de laquelle nous campons et les deux autres au Tizouyag sud. Nous partons pour les neufs longueurs en 5a/5c de la voie « Deux Croiffants et un Affecrem ». C'est une variante avec un ré-équipement serré de la voie des Belges. On démarre dans l'ombre par une fissure et une chatière avant de remonter les immenses piliers constituant les tuyaux de la gigantesque orgue de la face W puis sortons à la lumière dans le haut. Passage au sommet d'un tuyau, descente derrière pour remonter vers le sommet par des dalles en pente plus douce.
Tellement bien que le lendemain on remet ça dans « Nouvelle lune ». Un cran au dessus et tout aussi bien équipée. Georges préfère partir dans la classique, ce qu'il regrettera après quelques longueurs à renfougner dans l'ombre sans pouvoir trop poser d'équipement alors qu'à peine quelques mètres à côté, nous nous baladons entre des spits bien serrés et finissons au soleil. Retour au camp, Hamou nous attend au pied de la paroi avec un 4X4, pas question pour lui de nous laisser rentrer à pied, et finalement pas désagréable de se faire ramener en voiture, avec en plus le déjeuner qui nous attend quelque soit l'heure, suivi quelquefois très rapidement par le gouter (thé lipton et biscuits). Soirée à regarder les étoiles et à chasser le fénec qui finalement est un chat.
Hamou raconte des histoires, nous pose des devinettes.
« Un chameau, un chien et un âne prennent un taxi. A l'arrêt le chameau se sauve, l'âne paye son du et le chien paye trop. Depuis, quand une voiture passe sur une piste, le chameau se sauve, l'âne ne bouge pas et le chien court derrière pour récupérer sa monnaie. »
Il nous reste une journée à profiter de ces belles escalades. François et Georges hésitent entre le clocher et le Tizouyag Nord. Ce sommet Nord est le plus haut et est constitué de tuyaux d'orgue en phonolyte comme à l'Ilamane alors que le reste est en trachyte (je ne vois pas trop la différence). Je les dissuade de venir au clocher avec nous car le rocher est très moyen d'après Sam et Thomas qui y étaient hier. Et il fait froid ce matin, donc mieux vaut ne pas trop attendre dans les voies. Le rocher du sommet Nord ne se montrera pas meilleur et François y prendra le vol du séjour, y laissera du matériel, mais le Tizouyag nord sera quand même vaincu. Antoine et moi constateront la fraîcheur du vent remontant dans ces tuyaux d'orgue et la fragilité du rocher dans le clocher mais sans trop l'écailler. Et constaterons surtout l'intérêt de l'échappatoire de la dernière longueur, car même en moulinette depuis le sommet, je n'ai pas réussi à la passer en libre et me suis bien demandée comment j'aurais pu protéger cette fissure en l'attaquant en tête. Petite bulle au col à l'abri du vent et au soleil avant de redescendre. De retour au camp, reste à écouter cette phonolyte. Quelques blocs bien choisis permettent d'entendre ce son métallique, mais s'il faut bien choisir celui sur lequel on tape, celui qui sert de marteau est tout aussi important.
Samedi : Fini l'Atakor, on part vers la Tefedest. Impossible de savoir combien d'heures il nous faudra pour remonter sur la Garet. Deux jours prévus au programme avec en plus une visite de l'oued Mertoutek. Peut-on comprimer en une grosse journée ? Les chauffeurs restent très vagues et nous feront comprendre en arrivant à la Garet que trois journées n'auraient pas été du temps perdu.
Donc c'est piste toute la journée avec quand même une pause pour regarder une drôle de fleur (Fonduk l'appelle champignon !!) et à contre-jour les étranges sculptures de pierre au bord de l'Imadouzene. A la pause déjeuner, c'est la grosse surprise, de l'eau qui coule, une rivière , et c'est la séance de lavage à la guelta Issakrassene. Chacun son tour avec la petite bassine pour ne pas polluer l'eau. Plus loin des ânes prennent le frais sous un immense palmier au milieu de touffes de Scirpe en jonc. Les gardiennes des ânes, ou de chèvres nous tiendront compagnie pendant tout le déjeuner attendant que Fonduk et Hamou leur donnent un petit quelque chose et leur offrent le thé.
Nous
repartons sur la piste, les cailloux noirs, la terre parfois rouge
laissent la place au sable. Arrêt à Hirafok pour faire
le plein d'eau à la citerne à l'entrée du
village.
C' était un petit village de zeribas (huttes de
roseaux) autour d'un puits (toujours visible, mais maintenant équipé
d'un système de pompage) avec des jardins qui étaient
la propriété des Touareg nomades qui revenaient
régulièrement visiter les villages de leurs métayers.
Situé dans l'oued Hirafok entre les deux grands massifs, la
Tefedest et l'Atakor, le village est maintenant construit en dur. Il
est toujours habité par des Harratines descendants des
esclaves noirs qui cultivent des potagers. Mais c'est l'hiver, les
petits carrés sont verts, irrigués par des foggaras,
mais pas de beaux légumes en vue.
Pas très loin du village, nouvel arrêt : des gravures ornent un rocher, un troupeau de boeufs et des girafes.
Durant le néolithique la savane recouvrait le sable et abritait des éléphants, des antilopes, des girafes, des autruches ou encore des crocodiles et des hippopotames.
La piste de sable continue, quelques gazelles détalent au loin, quelques chameaux nous regardent passer sans détaler. A côté de la nouvelle piste , l'ancienne, bien plus belle qui avait été tracée avec des bulldozers, mais qui n'est plus entretenue et donc s'interrompt très brutalement par endroit. Reste de place en place les murets de protection des campements des chantiers. Ce soir nous campons au sud de la Tefedest et les montagnes sont en vue, pas vraiment bleues. Massif assez imposant vu de la plaine. Des montagnes de granite hautes de 2300m dominent la plaine à seulement 1000m. Nous sommes sur un beau sable, au pied des contreforts. Soirée mots croisés, belote. Calés derrière les 4x4 servant à fixer les nattes coupe-vent et la lampe, face au feu qui nous enfume comme chaque fois, mais c'est tellement joli un feu et comment faire le thé sans ? Le thé touareg ne peut se faire sur un camping gaz ! Grâce à l'insistance de Sylvie nous assistons à la préparation de la taghella, cette fameuse galette touarègue cuite dans le sable avec des braises par dessus. Et nous avons de nouveau droit aux charades de Hamou.
« Il est noir, puis blanc, le loin devient près et le deux devient trois »
ou bien
« le premier voit l'eau et la touche, le deuxième voit l'eau et ne la touche pas et le troisième ne voit pas l'eau et ne la touche pas. »2
Dimanche : Aujourd'hui,
nous visitons l'oued Mertoutek, célèbre pour ses
gravures rupestres. Après traversée du village
principal avec ses constructions classiques, les habitations en pisé
s'étendent le long de l'oued en eau à cette époque
de l'année. La piste passe dans l'oued et l'eau gicle. Mais
nous n'avons pas de temps, donc rapide tour au pied des montagnes
dans les premiers blocs de granite très travaillés par
l'érosion comme souvent là-bas donnant des boules, des
trous, des niches abritant parfois ces fameuses gravures, bien à
l'abri du soleil et de toute trace d'eau. Puis, longue attente à
l'entrée du village car nos chauffeurs sont partis prendre le
thé avec le guide local, c'est la coutume locale et ca ne sera
pas si long, car ce soir nous devons camper au pied de la Garet.
On
file sur la piste, pause pour le déjeuner au milieu d'immense
tamaris. Les premières montagnes sont toutes proches. Et enfin
nous voyons de près un calotropis en fleur avec même un
gros fruit vert mais ce n'est pas comestible. La tradition orale
Touareg veut que la présence de cet arbuste signale une
ancienne présence humaine enfouie sous les sables et éboulis
de roches. Il s'appelle aussi en tamahaq : torha dans le Tassili
N'ajjer et torcha dans le Hoggar, le Mali et le Niger, c'est une
sorte de plante grasse dont le lait peut paraît-il rendre
aveugle. Toxique ou non, je ne sais, mais ses feuilles et fruits sont
intacts, les chameaux n'y touchent pas.
François n'est pas
très bien et j'ai pris sa place de dans le
2ème 4x4, moins confortable et en plus on ne voit rien. Hamou s'accroche au nuage de
poussière du 4x4 de Fonduk, mais il y a de la musique. On remonte vers le Nord de la
Tefedest. La chaine est là à l'ouest. Hautes montagnes
comparées à la plaine de sable où nous sommes.
La Garet el Djenoun, la montagne des génies pour les arabes,
Oudane pour les Touaregs, apparaît enfin tout au nord du
massif, curieuse montagne des flancs très raides et un très
large plateau sommital. Nous contournons le massif pour enfin se
glisser par le Nord dans l'oued Ariaret. Ca y est nous sommes au pied
de « La Montagne ». Le soleil couchant
l'illumine, elle est très impressionnante quand même.
Choix des voies, Antoine trouve enfin un compagnon pour l'arête
Nord, Sam , grimpeur rapide qui assurera le tête de cordée.
Georges voudrait faire la « Frison Roche »,
voie mythique car première ascension répertoriée
de la montagne en 1935, mais l'approche est très longue et
nous n'avons pas de topo. Il fera cordée avec moi, sur
l'éperon de la Takouba en face Est (appelé ainsi car un
monolithe se dresse dans cette face rappelant vaguement le le sabre
Touareg ), Paul et François viendront avec nous et Sylvie et
Thomas grimperont par la voie du président et du mouflon ,
voie ouverte par un oncle de Thomas en 1952. Rendez vous pour tous là
-haut pour bivouaquer et admirer le coucher puis le lever du soleil.
Lundi 8 février, à l'assaut de la Garet
Lundi matin, lever 6h pour avaler le petit déjeuner et nous partons au lever du jour. 3H de montée jusqu'à l'attaque, en majeure partie à l'ombre donc au frais. Nous remontons l'oued, tantôt au fond tantôt sur les bords escarpés. On passe de blocs en blocs en suivant les cairns. Je perds un peu Georges qui suit François et Paul de loin. Et nous voilà chacun à une attaque de la voie, mais bien que ce soit la même voie, l'attaque peut se faire à deux hauteurs différentes. Comme je suis plus haut, abandonnant François et Paul qui feront deux longueurs de plus que nous, George me rejoint et nous suivrons ensuite François qui équipera pour les deux cordées les passages clés. Le premier, c'est une fissure en 6a, bien étroite et plutôt déversante à l'attaque. Première séance de hissage de sacs en attendant la plus belle, celle de la dernière longueur. Entre les deux, progression lente, on cherche l'itinéraire, peu évident et ça ne passe pas partout. Il faut équiper, essayer à droite, à gauche ...nous sommes à l'ombre , puis le le soleil commence à vraiment baisser, mais la sortie est en vue. Sortie de justesse, dernière longueur encore du 5+ en fissure large. François s'y glisse et y repte de jour, Paul à l'entre jour, il voulait sa frontale mais on l'y a expédié sans et Georges et moi sortons de nuit. Difficile de deviner les prises, de hisser le sac de François coincé au dessus de moi sur l'autre corde, le mien pendu au bout de ma corde en dessous de moi, mais c'est la seule longueur dans laquelle nous trouvons des pitons, 2 dans cette fissure sur lesquels nous tirons pour ramper vers le haut. Thomas nous attend et nous assure les uns après les autres puis nous guide vers l'endroit repéré pour le bivouac. Puis Sam et Antoine arrivent de l'arête Nord. Nous voici tous au sommet de la Garet, il fait nuit. C'est vaste, on s'y perd un peu, heureusement Thomas a bien repéré les lieux. Avec Sylvie, ils ont ramassé une petite provision de buissons secs pour le feu. Nous sortons nos provisions, sardines à l'huile pour ceux qui ont monté les boites, oeufs durs, pain , fruits secs. Et de l'eau. Quel plaisir de se trouver tous là -haut. Le temps fraîchit et le vent se lève , il est temps de s'installer pour la nuit. On va vers « la plaine de sable » entre les 2 sommets de la Garet, mais là aussi il y a du vent. Les quatre avec duvet s'installent et nous passent quelques vêtements. Nous cherchons des endroits plus abrités. Je me cale sous un rocher, presque à l'abri du vent et commence à dormir, réveillée par Georges qui m'envoie sa frontale dans l'oeil pour me demander si je dors, mais oui Georges, je dormais. Puis c'est un Sam congelé qui rallume le feu, une grande lueur éclaire le bloc sous lequel je suis et je bondis à l'extérieur car avec le vent des broussailles enflammées sont projetées hors du foyer et menacent ma doudoune. Tout se calme de nouveau . Je dormirais par à coup, réveillée par le froid, le bruit du vent, des pas.. J'entends le vent tempétueux, la rafale enfle, se rapproche, je me mets en boule, elle est sur moi et c'est encore un grand coup de frais qui me gèle. Pas vraiment polaire ce vent, mais pas chaud non plus. On est en plein hiver à 2300m et même au Sahara il peut faire froid. Je me protège avec les moyens du bord, doudoune en haut, les pieds dans le petit sac qui arrive à peine à couvrir les mollets, une demie corde sur les jambes, l'autre sous la tête. Enfin le ciel s'éclaire, je me lève regarder le soleil se lever. Voici le haut du disque et tout va très vite, le disque monte, s'extrait de l'horizon déjà mauve, suivi du flamboiement de couleurs. Je cours d'un sommet à l'autre. Trop beau, malgré la brume de sable qui limite l'horizon. Le vent est toujours aussi fort, attention au précipice. Il remonte le couloir du coup de sabre, bruit de soufflerie ...Je n'ose m'approcher trop près du bord pour regarder la Takouba prendre le soleil.
Pas vu de mouflons, tant pis, c'était un peu un rêve, mais il est temps de redescendre tous ensemble par la voie du mouflon. Un grand couloir facile des, vires et des dalles que l'on descend en rappel permettent de rejoindre le col Est et le « chemin » par lequel nous sommes montés à l'attaque de la voie, mais il est plus tard et tout est au soleil. Je me planque régulièrement sous des blocs, pour me rafraichir et boire une gorgée d'eau et arrive bonne dernière au campement. Nos accompagnateurs sont un peu inquiets malgré les dires d'Antoine qui me devine au frais au creux d'un bloc. Le vent de sable est toujours aussi fort et le campement n'est que peu abrité. Je finis à peine ma salade (hum...le retour au camp a du bon) qu'il faut partir pour trouver un campement plus agréable. Aussitôt dit, une forte rafale déchire notre tente. Celle de Thomas ne résiste pas mieux, un mat plie. Tout est finalement rangé sans plus de casse.
Nous partons vers l'ouest et attaquons la descente vers le sud mais en longeant la Tefedest côté Ouest cette fois. Nos accompagnateurs connaissent bien et trouvent rapidement un bivouac abrité par d'immenses tamaris. Calés derrière leur immenses racines, nous sommes à l'abri. Des touffes de pois chiche sauvage sorte de petit buisson avec juste des tiges et de épines sont éparpillés dans le sable, comme posés là par le vent. Encore un calotropis.
Ce soir
préparation de la taghella, cuite dans le sable avec des
braises par dessus.
Nous
aurons également le méchoui, même technique mais
la viande marinée est dans un récipient métallique
recouvert d'un couvercle. Couscous avec la taghella émiettée
en guise de graine et enfin le pain touareg cuit dans un plat (comme
le méchoui).
Nous repartons vers notre dernière étape, Tesnou. Rapidement, le deuxième 4x4 décroche, où est il passé, nous retournons le chercher, une roue crevée et celle de rechange crevée aussi. Heureusement, il reste la roue de rechange de notre 4x4. Après quelques heures de piste, surprise, nous coupons la nationale Alger - Tamanrasset. Nous avions complètement oublié l'existence des routes. Difficulté supplémentaire, le pipeline El-Salah Tamanrasset en construction empêche le passage. Il faut remonter un peu et Nord et se glisser avec les 4X4 entre un tube non encore raccordé et une butte. Une heure plus tard, nous rejoignons le massif de Tesnou. Fini la précipitation, nous nous installons confortablement pour le déjeuner à l'ombre d'un acacia, et après les traditionnels thés partons tranquillement grimper à l'ombre. Ce sera Cham'Nostalgia pour monter au sommet de l'éléphant, ou des couennes. Etrange voie, le vent de sable a tellement soufflé que le sable est partout, les réglettes en sont remplies, les dalles en sont couvertes et il y a même de petites coulées pendant que nous montons dans ce magnifique dièdre. Etrange sommet, peuplés de blocs aux formes improbables, vaste sommet lisse, plongeant avec des pentes de plus en plus raides quand on descend et surtout la vue. A l'est d'autres dômes dont la montagne de Tesnou, mais à l'ouest, rien, le sable et la brume de sable, le ciel en est encore bien chargé ce qui donne une luminosité étrange.
Le massif est un ensemble de dômes granitiques posés sur le sable jaune. Des dômes aux courbes régulières. De grandes dalles lisses se couchent de plus en plus en approchant des sommets. Très peu de fissures. Et comme à Tissalatine sur les sommets, des blocs erratiques en équilibre, ou bien, une croute fissurée de un à deux mètres d'épaisseur de granite chapeaute le dôme. L'Elephant est le sommet le plus à l'ouest.
Soirée couscous sous les étoiles, il fait bon, il fera même trop chaud la nuit. Petit déjeuner avec des beignets pour nous changer des crêpes ou du pain grillé. Je pars avec Antoine prendre un but dans la face ouest de la pyramide pendant que les autres parcourent les dalles de l'éléphant. Tant pis, on fera des photos en attendant que le soleil tourne, attaque en fin d'après midi d'une voie en fissure non équipée ouverte par Simone Badier (éclipse de lune) dans laquelle nous rebroussons chemin pour éviter le bivouac. Devant mon air désappointé et les réflexions amères sur Antoine qui n'a vraiment pas fait d'effort pour grimper, Sam propose de m'emmener le lendemain dans la voie à faire absolument « rezzou ».
Dernier jour, ce sera Rezzou, mais Sam emmenera Antoine et je serai avec Paul. Très belle voie en dalle avec une magnifique fissure sur 50m. L'après midi sera consacrée à la recherche de l'arche perdue, que François trouvera et gravira, pendant qu 'Antoine et moi attaqueront les dômes voisins (chacun le sien). Belle promenade au milieu des dômes, le ciel est redevenu limpide et nous aurons le plus beau coucher de soleil du séjour. Nuit étoilée, la dernière et j'en profite bien involontairement, il fait trop chaud pour bien dormir.
Samedi 13 février : dernier jour
Samedi, au réveil l'odeur du feu, il fait nuit mais les touaregs s'affairent déjà. On arrive matelas sous le bras pour le petit déjeuner. Odeur de pain grillé, le soleil monte et éclaire l'éléphant. Départ tôt le matin , mais de jour bien sûr, car nos chauffeurs veulent assurer le retour. Ils seraient bien partis hier. Passage près du marabout de Sidi Moulay Lahsene où l'on rejoint la N1.
Tam 250 km. La route est assez monotone, au milieu d'une plaine désolée où les arbres sont rares. C'est un ruban de bitume posé dans le désert qui tire au sud. Bordé à droite par deux longs tubes noirs, futur pipeline pour apporter l'eau à Tamanrasset. Ce long serpent qui épouse les rares courbes de la nationale est posé sur ses petits cônes de terre à côté de la tranchée qui l'attend. La Tefedest à gauche finit par disparaître, à droite quelques montagnes aussi mais moins importantes et devant la plaine.
Tam 200km, on aperçoit
devant nous l'Ilamane devant le Tahat . Quelques camions et
camionnettes, mais si peu. Des panneaux signalent régulièrement
le risque de traversée de dromadaires, comme chez nous pour
les sangliers. Nous passons au pied de la montagne de Taourirt Ta-n
Afella, qui domine le poste militaire d'Ineker repérable grâce
à la clôture, c'est en effet l'un des deux sites
où la France a testé son arme atomique.
Traversée d'un village. On s'y arrête et nos
chauffeurs vont acheter à boire , nous attendons dans les
voitures, pas envie de descendre. Dans la rue, presque
uniquement des hommes , discutant en buvant le thé ou non. C'est le we,
jour de repos.
Après presque 250km de route, longeant le pipeline
et les chantiers des stations de pompage grouillant de chinois
accroches dans les structures hérissées de fers à
béton, juste avant Tam, nous nous arrêtons pour manger sous un acacia,
sacs plastiques, bouteilles de vin vides .... Dur retour. L'après
midi, nous ferons les touristes dans Tam, une seule rue pour les
touristes, achats de tapis. Dans la soirée, départ
pour l'aéroport où nous rencontrerons Georges, prés. de
la fede, venu lui aussi gravir la Garet.
1drôle de comparaison , mais en France, c'est la neige et en plus je viens de finir des formations nivologie
2L'homme vieillissant (cheveux , yeux, jambes), une femme enceinte et portant son enfant traversant une rivière